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Título del texto editado:
“De la littérature”
Autor del texto editado:
Peyron, Jean-François Pierre (1744-1814)
Título de la obra:
Essais sur l’Espagne : Voyage fait en 1777 et 1778, Tomo II
Autor de la obra:
Peyron, Jean-François Pierre (1744-1814)
Edición:
Genève: s.n., 1780


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De la Littérature


Je ne donnerai ici qu’une légere idée de la Littérature Espagnole, parce que je me propose d’en faire une histoire à part, & d’en examiner les diverses branches dans un ouvrage qui servira de suite à celui-ci. Je donnerai alors une notice exacte des anciens livres imprimés en Espagne, un catalogue raisonné des gens de lettres qui se sont distingués dans cette monarchie & qui l’ont illustrée ; je traiterai de la poésie, de l’histoire, des comédies, des romans & des auteurs mystiques ; j’ai déja rassemblé la plupart des matériaux qui me sont nécessaires pour ce grand ouvrage, & il suivra de près mes Essais sur l’Espagne.

Je dirai simplement que les Espagnols avoient des traductions de Plutarque, de Séneque & des meilleurs historiens Grecs & Latins avant la fin du quinzieme siecle, ce que nous n’avions pas: leur langue avoit déja fait de grands progrès; elle étoit harmonieuse, abondante, poétique. L’Espagne devoit cet avantage à Alphonse dit le Sage, qui en 1260 ordonna que toutes les chartres, les privileges & tous les actes publics seroient traduits du Latin en Castillan. Ce fut dans cette langue qu’il rédigea & fit composer Las Partidas, qui furent & qui sont encore en grande partie les loix du royaume; ce fut un des premiers ouvrages imprimés: il fit copier & traduire dans sa langue plusieurs manuscrits étrangers & comme Tolede étoit alors le centre du bon goût, & la ville où l’on parloit le mieux, lorsqu’il survenoit quelque difficulté, soit dans la prononciation d’un mot, soit dans son véritable sens, Alphonse ordonna qu’on eût recours aux puristes de Tolede.

Les Espagnols ont écrit l’histoire avec assez d’exactitude & de simplicité; on ne peut guere leur reprocher qu’un peu trop de partialité & de vanité nationale.

Un de leurs meilleurs historiens est le Père Mariana, son style est admirable, sa narration est ornée sans être enflée; il ne flatte ni les rois, ni sa nation: on l’accuse d’avoir, en certains endroits, altéré la vérité & de paroître trop crédule sur certains prodiges. Ce n’en est pas moins un très-bon historien; mais son histoire ne passe pas le regne de Ferdinand le Catholique. Son continuateur le Pere Miniana, est assez estimé; mais son ouvrage est écrit d’une maniere rebutante par l’obscurité & la sécheresse qui y regnent.

On fait beaucoup de cas des chroniques de Ferreras de Saavedra. L’histoire de la Catalogne, par un évêque de Lerida, est écrite dans le style de Tite-Live.

Les meilleurs mémoires qu’ait produit l’Espagne, sont ceux du marquis de saint Philippe sur la guerre de la succession: ils sont exacts, le style en est coulant & agréable: la traduction qu’on en a faite en François ne vaut pas à beaucoup près l’original.

L’histoire du Mexique, écrite par Antonio Solis, est traduite dans tomes les langues de L’Europe. Les Espagnols l’accusent d’avoir mis trop de fleurs & d’affectation dans son style; d’ailleurs, il s’éloigne quelquefois si fort de la vérité que son livre peut passer pour un roman. Cet auteur n’éroit pas philosophe, lors qu’il dit que les massacres exercés par les Espagnols, étoient tout autant de moyens dont Dieu se servoit pour convertir les infideles; on ne peut pas lire son histoire, quelque partiale qu’elle soit envers son héros Fernand Cortés & sa nation, sans être saisi d’horreur.

La conquête du Pérou, par Garcilasso de la Vega, est écrite avec beaucoup de sécheresse & sans agrément; mais elle est plus exacte.

L’histoire générale des Indes, par le Capitaine Gonzalo Hernandes de Oviedo y Valdes, gouverneur de la forteresse de saint Domingue, imprimée à Séville en 1535, est écrite avec une simplicité admirable & qu’on ne retrouve plus dans ce siecle. Le chapitre XIV de son histoire commence par ces mots remarquables.

«Pues que tanta parte del oro de estas lndias ha passado a Italia, y Francia, y aun a poder assi mesmo de los Moros, y enemigos de España, y por todas las otras partes del mundo: bien es que como han gozado de nuestros sudores les alcance parte de nuestros dolores y fatigas, por que de todo o a lo menos por la una, o por la otra manera del Oro, o del trabajo, se acuerden a dar muchas gracias a Dios. Y en lo que le diere plazer o pesar se abracen con la patiencia de Job; que ni estando rico fue sobervio, ni seyendo pobre y clagado impaciente: siempre dio gracias a aquel soborano Dios nuestro muchas vezes, en ltalia me reya oyendo a los Italianos dezir el mal Fracez, y a los Francezey clamar el mal de Napoles: y en la verdad los uno, y los otros le acertaram, el nombre si le dixeran el mal de las Indias, &c.» 1

Un livre très-curieux sur les Indes, est celui qui est intitulé de los veinte y un libros rituales, y monarchia Indiana con el origen, y guerras de los Indios Ocidentales, de sus poblaciones, descubrimiento, conquista conversion, y otras cosas maravillosas de la misma tierra: Vingt & un livres des rites & de la monachie Indienne, avec l’origine & les guerres des Indiens Occidentaux, de leur population, découverte, conquête, conversion & autres choses merveilleuses du même pays, en trois volumes in-fol. écrits par F. Jean de Torquemada, de l’ordre de saint François. Son ouvrage est curieux, en ce qu’il traite des Dynasties antérieures à la conquête, & des rois Mexicains qui ont précédé Montézuma. S’il nous a manqué des notions sur cette partie intéressante & longtemps inconnue du genre humain, la faute en est aux moines & au premier évêque du Mexique, nommé Don Juan de Cumarraga; ils firent brûler les livres Indiens, qui étant écrits en caracteres hiéroglyphiques, furent pris par ces ignorants pour des dépôts d’idolâtrie.

Le nombre d’auteurs mystiques qu’a produit l’Espagne est prodigieux; un des plus estimés est Fray Louis de Grenade. Dans une bibliotheque Hollandoise, on avoit recueilli toute cette pieuse métaphysique sous ce litre, Dialectica, eloquencia de los Salvages de Europe: Dialectique des Sauvages d’Europe.

Les Espagnols ont sur-tout réussi dans les nouvelles galantes, dans les fables & les fictions ingénieuses. Les Arabes leur apprirent l’art de conter, leur imagination fit le reste: ils nous ont sans doute devancés dans, ce genre, que nous avons depuis bien perfectionné, & ils sont restés au même point; mais leur Don Quichote se fera toujours lire avec plaisir, tant qu’il y aura chez les hommes de l’esprit, du goût & du jugement.

L’Espagne a produit, sur-tout, beaucoup de poètes; mais la plupart sont inconnus, parce que leurs ouvrages; n’ont jamais été imprimés, & que ceux qui l’ont été sont devenus très-rares. L’Espagne travaille depuis quelques années à les faire connoître: les plus estimés sont Ercilla, Garcilasso de la Vega, Fray Luis de Leon, Quevedo, Lopes de Vega & Villegas.

Le plus ancien poëte Castillan connu est Gonzalo Berceo, né à Berceo, moine dans le monastere de saint Millan; il vivoit en 1211. Le sujet d’un des poëmes qu’il nous a laissés est la de vie du glorieux Confesseur saint Dominique de Silos. Si vous voulez juger de son style, voici les deux premieres strophes de son Poëme.

En el nombre del padre, que fizo toda cosa;
El de Don Jesu-Christo, fi de la Gloriosa,
El del Spiritu-Santo que egual dellos, posa
De un confessor sancto quiero fer una prosa.

Quiero fer una prosa en roman Paladino,
En qual suele el pueblo fablar a su vecino,
Ca no son tan lettrado por fer otro Latino,
Bien valdra, como creo, un vaso de buen vino. 2


Velasques & le fameux Pere Sarmiento ont écrit sur l’origine de la poésie Castillane, & nous ont donné à ce sujet des details assez curieux. Je les ferai connoître lorsque je traiterai plus au long de la Littérature Espagnole; elle forme un corps assez considérable, où il y a peut-être plus d’imagination que dans celle des autres peuples de l’Europe, mais peu de raisonnement, de goût & de profondeur; ces qualités tiennent à une certaine liberté & reviendront avec elle.





1.  Puisqu’une grande partie de l’or de ces Indes a passé en Italie, en France & même au pouvoir des Maures & des ennemis de l’Espagne ; il est juste que, comme ils ont profité de nos sueurs, ils partagent aussi nos douleurs & nos fatigues ; afin que, soit à cause de l’or, soit par le moyen des souffrances, ils se souviennent de rendre graces à Dieu, & que dans le plaisir ou la peine, ils aient recours à la patience de Job, qui riche ne fut point superbe, & pauvre & malade, ne fut pas impatient, & rendit toujours ses humbles actions de graces à Dieu son souverain maître. J’ai ri plus d’une fois en Italie, lorsque j’entendois parler les Italiens du mal François, & les François du mal de Naples ; en vérité, les uns & les autres auraient mieux rencontré son véritable nom en l’appellant le mal des Indes.
2.  Au nom du pere qui fit tout, & de Jesus-Christ, fils de la Vierge, & du Saint-Esprit qui est égal à eux, je veux faire la prose d’un saint confesseur.Je veux faire une prose en style Paladin, le même dont on se sert pour parler à la ville ; car je ne suis pas assez lettré pour employer d’autre latin, & à ceci me suffira, je crois, un verre de bon vin.

GRUPO PASO (HUM-241)

FFI2014-54367-C2-1-R FFI2014-54367-C2-2-R

2018M Luisa Díez, Paloma Centenera